Notre institut a eu le plaisir d’évoquer la vision, l’action et la méthode de Jean Monnet lors de l’événement For Good Leaders, dans le cadre de ChangeNOW, en avril dernier.
Pourquoi Jean Monnet ? Parce qu’il est parvenu, non pas une fois mais à plusieurs reprises, au cours de ses 60 années d’engagement (1914–1975), à transformer son idéal de paix et d’unité en réalité. Et ce, sans jamais – ou presque – occuper de fonction officielle ni même participer à des conférences. La réalisation la plus spectaculaire, bien sûr, reste celle que nous célébrerons en mai : 75 années de paix au sein de notre communauté. Unir les Européens après des siècles de conflits : n’est-ce pas là une source d’inspiration majeure pour celles et ceux qui aspirent à transformer leurs appels au changement en résultats concrets ?
Il n’existe pas de recette toute faite, mais il y a quelques ingrédients essentiels que nous avons partagés avec les participants, et qui, selon nous, peuvent nourrir notre propre réflexion :
1) Une conviction inébranlable, formulée avec une clarté absolue.
Monnet savait que la solidité et la clarté de ses convictions étaient à la fois le carburant et la boussole de son action. Ce n’étaient ni des intuitions ni de simples aspirations, mais des croyances longuement mûries, issues d’une réflexion profonde et de nombreuses consultations, jusqu’à ce qu’elles s’imposent à lui comme une évidence, rendant sa détermination inébranlable. Pour lui, forger ces convictions représentait le véritable travail — souvent réalisé lors de marches matinales en forêt.
2) Une stratégie d’action minutieusement construite.
Monnet se considérait – corps et esprit – comme un instrument au service de ses convictions. Même s’il rêvait parfois de devenir un grand orateur, il comprit vite que son talent résidait ailleurs : convaincre. « Il ne savait ni lire, ni parler, ni écrire, mais il persuadait toujours », disait de lui Sir Arthur Salter. Plutôt que de détenir le pouvoir, il choisissait d’influencer ceux qui l’exerçaient, quitte à rester dans l’ombre. Il savait où et quand intervenir pour initier un changement décisif. « En période de crise, la plupart ne savent que faire. Moi, je sais », disait-il.
3) Organiser l’action collective.
Pour Monnet, l’action collective était à la fois un moyen et une finalité : rien ne construit l’unité comme le fait d’agir ensemble. Mais pour que des personnes aux intérêts divergents puissent coopérer, encore faut-il créer les bonnes conditions — psychologiques et matérielles — qui favorisent des comportements positifs. Monnet excellait dans cet art, notamment parce qu’il n’agissait jamais pour lui-même : son seul objectif était de résoudre les problèmes qui divisaient les autres.
4) Construire des institutions efficaces.
Les hommes sont imparfaits, et leur action limitée dans le temps. C’est pourquoi des institutions bien conçues, capables de capitaliser sur l’expérience, de servir l’intérêt général et de prendre des décisions, sont essentielles au progrès humain. « Rien n’est possible sans les hommes, rien ne dure sans les institutions. » Ces dernières instaurent un cadre de règles propice à des comportements vertueux, là où les individus, livrés à eux-mêmes, ont tendance à s’en écarter.